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Le Ciel Inside
31 décembre 2015

Blogueur voyageur

Un dimanche soir de juin 2011, le jeune diplômé d’une licence de journalisme rentre d’un voyage de deux semaines au Népal. Il apprend le lendemain par e-mail qu’il va être licencié de la télé locale pour laquelle il travaille. Après la claque, la libération : Trois mois après, il rend son appart et décolle pour le Portugal avec des économies et ses indemnités licenciement. Sur son changement de vie, ses amis, s’ils n’ont rien dit, ont eu l’air sceptiques. Sa conseillère Pôle emploi semblait quant à elle choquée : « Elle ne comprenait pas mais était soulagée que je sorte des statistiques du chômage. » Par flemme d’envoyer de longs e-mails à ses proches, Jérémy Chauvin ouvre un blog, Road Calls, qui prend peu à peu de l’ampleur. Un jour, il reçoit une proposition d’un annonceur : 50 euros pour insérer un lien dans un article. « Puis j’en ai reçu de plus en plus et je me suis dit qu’il y avait un truc à faire. Je me suis professionnalisé dans mes récits, en essayant de parler à plus de monde et en donnant des conseils. » Mi-2012, il touche son premier salaire tiré des liens payants : 700 euros. Cela deviendra sa source de revenus principale jusqu’à l’année dernière (lire plus bas). Il vit désormais de son livre numérique, publié en 2012, où il recense 31 manières de gagner sa vie en voyageant. « La journée type d’un blogueur, ce n’est pas seulement d’écrire des articles et de poster des photos sur Facebook », écrit-il dans ce dernier. « C’est de démarcher des tas et des tas d’agences de communication, de sociétés de référencement web, pour obtenir des contrats publicitaires qui permettront de payer la prochaine nuit en auberge de jeunesse. » Quatre ans après son licenciement et sa première destination, Jérémy vit toujours en mode nomade. Combien de pays a-t-il traversés ? Il déteste la question. Quand il rentre en France, Jérémy adapte son sac à sa prochaine destination. Il contient habituellement trois-quatre jours de change en sous-vêtements, un pantalon, un pull et ses « affaires électroniques » (ordinateur, appareil photo, liseuse). « La dernière fois que je l’ai pesé – avant l’Asie –, il faisait 8 kg. » « J’ai probablement vu moins de destinations en quatre ans de voyage que la plupart des “backpackers” n’en voient en six mois sur la route », explique-il dans un récent billet de blog. « C’est logique : je n’ai pas du tout la même façon de voyager qu’eux. » De son propre aveu, sa ligne éditoriale est floue et correspond à une philosophie : « J’aime voyager seul dans des endroits où il n’y a pas beaucoup de touristes. » Quand je l’ai interviewé par téléphone, il venait d’achever un circuit dans le sud de la France, après être parti en Norvège et en Croatie. « Grosso modo, j’ai voyagé un peu partout en Europe, en Asie du Sud-Est et en Amérique du Nord. » Avec une préférence pour les pays froids (la Scandinavie). Depuis qu’il s’est lancé, la concurrence s’est intensifiée ; les blogueurs se sont professionnalisés en même temps que les marques ont compris qu’elles pouvaient s’en servir pour leur publicité. Ils sont cependant peu nombreux à vivre de leur blog, que ce soit en monnayant des liens ou en développant des activités annexes (visites guidées, livres...). Jérémy Chauvin s’efforce de tenir un certain rythme : publier un article par semaine, signé de lui ou d’un contributeur. Il comptabilise 300-400 visiteurs uniques par jour. La plupart arrivent sur Road Calls après une recherche Google. De fait, il en dépend fortement. Voilà pourquoi le référencement de son blog est primordial : tous les six mois, l’autoentrepreneur vérifie sur quelques destinations son classement sur le moteur de recherche : « Tous les blogs de voyage sont en concurrence sur des mots-clés. C’est la guéguerre pour sortir le plus haut sur Google. » Un peu de technique (apprise grâce à des tutos), de la maintenance, du service après-vente : son travail comporte plusieurs facettes en plus de l’écriture. Une bonne connexion internet est un critère important dans le choix de ses périples comme des logements : Jérémy Chauvin consulte ses e-mails tous les jours. Par rapport à ses clients, il se permet seulement d’être déconnecté au maximum 48 heures. « C’est la plus grosse contrainte de mon activité, le prix pour être libre. Je peux aller où je veux à condition d’avoir Internet. C’est un faible coût à payer. » « C’est très fluctuant : il se peut que sur un mois je fasse 2 000 euros, puis seulement 200 euros le mois suivant. A côté, je n’ai ni primes, ni aides, ni rien d’autre. Et tant mieux car je suis hyper-indépendant et je déteste l’idée de dépendre d’un organisme extérieur ou de quoi que ce soit. » Depuis un an, Jérémy Chauvin tire l’essentiel de ses revenus de la vente de son livre numérique, vendu déjà à plus de 1 000 exemplaires. Il le propose sur son site ou via la cinquantaine de librairies partenaires qui en font la promotion (il leur reverse pour chaque achat 50% du prix). Ses sources de revenus ont considérablement changé à partir du moment où Google est parti à la chasse aux liens payants. Ils représentaient à l’époque environ 70% des revenus du blogueur. Des agences de référencement lui en achetaient en moyenne un ou deux par semaine (de 120 à 250 euros pièce) pour des tour-opérateurs ou des compagnies d’avion. « A une époque, j’acceptais tout et n’importe quoi. Je ne le referai pas. » Il n’en a pas vendu depuis des mois. Seulement trois ou quatre depuis le début de l’année 2015 : « Il y a moins de demandes et je suis aussi un peu plus exigeant. Sur le plan perso, c’est plus gratifiant de vendre mon livre. » Il arrive que Jérémy reçoive des invitations de marques. Il explique les refuser : « Je n’ai pas envie qu’on me dicte où aller. A partir du moment où tu dépends d’une marque, tu n’es plus indépendant. » A cause des marques et de la pub, il trouve que les blogueurs ont globalement perdu leurs âmes : « C’est devenu leur métier alors que c’était une passion. Je suis coupable aussi : je l’ai fait. » Il soutient avoir une démarche entrepreneuriale, notamment parce que depuis peu, il gère une équipe de plusieurs rédacteurs (qui touchent 50% des ventes de son livre quand il est acheté à partir d’un de leur article). Jérémy Chauvin ne tient pas ses comptes au centime près. Il explique essayer juste de dépenser le moins possible. Jérémy n’a pas de logement fixe depuis qu’il a rendu son appartement en septembre 2011. A l’étranger, il passe généralement par CouchSurfing, réseau d’hébergement en ligne. « C’est totalement gratuit, mais j’aime bien apporter un petit cadeau à mon hôte ou l’inviter à boire un verre pour le remercier de m’accueillir. Ceci dit, dans certaines grandes villes, il est très difficile de trouver un hôte via CouchSurfing (ils sont extrêmement sollicités), donc dans ce cas-là je me loue un appart via des sites comme Airbnb. Quand je reste longtemps au même endroit, je me trouve alors une chambre en coloc à sous-louer pour quelques mois. Enfin, à force de voyager, je me suis fait des amis dans à peu près tous les pays d’Europe. Et généralement ce sont eux qui m’hébergent quand je passe dans leur ville (encore récemment à Oslo, c’est un ami québecois que j’avais hébergé quand j’habitais en Suède, qui m’a rendu la pareille en m’accueillant une semaine sur son canapé norvégien !). » Il lui est arrivé à deux reprises de sous-louer une chambre ou un studio, trois mois en Suède et trois mois en Espagne, courant 2012. Quand il rentre en France, il crèche généralement chez son père à Cherbourg. « Je rentre fréquemment mais je ne reste pas très longtemps. » « Jusqu’en début d’année, je n’avais pas de mutuelle et je comptais sur ma bonne fortune pour ne pas avoir besoin de soins médicaux. J’ai décidé d’en prendre une au cas où. » Son smartphone est un cadeau de Noël. Pour communiquer, il utilise WhatsApp, appli gratuite, ou sa messagerie Facebook. « Par commodité, j’ai gardé mon numéro de téléphone français. Mon abonnement est à 19,90 euros par mois, et il faut rajouter du hors forfait quand je l’utilise à l’étranger. Il n’y a que quand je reste longtemps dans un pays que je prends une carte SIM locale. » Son plus gros poste de dépenses. En comptant « les avions pour changer de pays, les bus ou les trains pour passer d’une ville à l’autre, et enfin les transports en commun ou les taxis (que j’utilise quand je suis en Asie) ». Pour payer moins cher, il s’efforce d’être flexible sur les dates d’arrivée et de départ. Internet : 0 euro par mois « J’ai résilié ma box en septembre 2011, quand je suis parti. Depuis, je n’ai jamais repris d’abonnement. J’utilise le wifi dans les cafés, bars, bibliothèques, parcs ou chez les gens qui m’hébergent. » Abonnements à des journaux : 0 euro par mois « J’essaie de ne pas suivre l’actualité de trop près car ce qui s’y raconte me déprime. Mais parfois mes réflexes de journaliste ressurgissent et je consulte alors des sites d’info gratuits. » « Pour le moment, je ne paie pas d’impôts. Ce n’est pas l’envie qui manque car ça serait super bon signe pour mon activité. » « Bien que je sois en voyage, je fais attention à manger sain donc je ne lésine pas sur les fruits et les légumes, qui coûtent malheureusement plus cher que la malbouffe dans beaucoup de pays du monde (notamment en Scandinavie, où j’ai passé pas mal de temps dernièrement). Mes dépenses en courses fluctuent également en fonction de ma capacité à cuisiner car ce n’est pas toujours possible en CouchSurfing. »

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Le ciel nous tombe sur la tête... quand tout va mal, j'aime regarder dans mon ciel intérieur. Cela me rassure et me donne de bonnes vibes. Ce blog, c'est tout moi, avec le ciel inside.
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